Le cinéma ivoirien a du mal à se faire une place sur la scène internationale et même au niveau national, pourtant il fût ou un temps où les choses étaient différentes. Les ivoiriens étaient friands du grand écran, allaient régulièrement voir des films, chaque ville avait son cinéma et on dénombrait environ 100 salles de cinéma rien qu’au niveau d’Abidjan. De grands cinéastes tels que Timité Bassori, Henri Duparc, Désiré Écaré ou encore Roger Gnoan Mbala faisaient rayonner le cinéma ivoirien. Et puis, il y a le Nouchi, notre argot national qui est né devant les salles sombres d’Abidjan. Aujourd’hui, je vous propose de remonter dans le temps et de découvrir la petite histoire du 7ème Art ivoirien.
De la SIC à “ Sur La dune de la solitude” : la naissance du cinéma ivoirien
En 1961, la SIC, Société Ivoirienne de Cinéma est créée. Deux ans plus tard, suite à la création de la RTI, la Radiotélévision Ivoirienne, le gouvernement ivoirien décide de fusionner la SIC et la RTI. En 1964, Timité Bassori, un jeune ivoirien, se lance et réalise Sur La dune de la solitude, le PREMIER FILM IVOIRIEN. Il réalise ce film avec l’aide des techniciens de la RTI et grâce à un financement de la SIC.
La génération dorée
Petit à petit, on voit apparaître à l’écran une génération de cinéastes tout aussi talentueux les uns que les autres. Il s’agit d’Henri Duparc, issue de la prestigieuse FEMIS* à Paris, il travaillera pour la SIC, et en 1969, réalisera son premier moyen métrage Mouna ou le rêve d’un artiste qui fera l’ouverture de la deuxième édition du FESPACO*, l’un des plus grands festivals cinématographiques du continent. En 1969 également, un autre réalisateur ivoirien, Désiré Écaré sort son film, visages de femmes, le premier film ivoirien à être sélectionné au festival de Cannes en 1985. Le rayonnement du cinéma ivoirien est tel qu’en 1993, à la suite de Rue Princesse, long métrage réalisé par Henri Duparc, les ivoiriens surnomment la rue dans laquelle a été tournée une partie du film, rue princesse. Cette rue, fut par la suite, l’une des rues les plus mythiques d’Abidjan. Le travail remarquable de ces différents réalisateurs permettra de révéler les plus grands acteurs ivoiriens. Il s’agit d’Akissi Delta, Tchelley Anny, Bamba Bakary ou encore Kodjo Ebouclé.
Aller au cinéma dans les années 1960-1990
Au cours des années 1960-1980, les salles de cinéma étaient des lieux de vie pour les ivoiriens, comme le décrit le réalisateur Philippe Lacôte, “ Elles structuraient la vie sociale, c’étaient des lieux devant lesquels on se retrouvait”, et si les choses étaient ainsi, c’est bien parce qu’il y avait une raison ! En effet, à Abidjan, par exemple, il y avait environ 100 salles de cinéma réparties dans toute la capitale, des quartiers huppés aux quartiers populaires. Ces cinémas sont El Mansour, L’Ivoire, Le Paris ou encore Les studios. De plus, le prix des tickets était généralement compris entre 100 et 200 f, ce qui rendait donc le 7ème Art accessible à toutes les bourses. Cependant, les propriétaires de cinémas allaient encore plus loin, ils travaillaient avec des Djelibas*, et ces griots étaient chargés d’expliquer le synopsis des films avant leur projection, en des termes simples et à la manière éloquente des griots, de quoi captiver les foules et remplir des salles. Aller au cinéma pendant les années 1960-1990, était donc une expérience unique.
Cinéma et nouchi
Dans les années 70, le nouchi naît ! Cet argot, voit le jour devant les fameuses salles de cinéma d’Abidjan, servant de langage codé aux jeunes défavorisés, aux délinquants et aux Ziguehi*qui l’utilisent pour communiquer. Aujourd’hui le Nouchi fait partie intégrante de la culture ivoirienne et lui permet de rayonner partout le monde.

Yodé et Siro “Victoire”: le déclin des salles cinéma
En 2000, le célèbre de duo zouglou, Yodé et Siro sort Victoire, c’est un hit ! La chanson raconte un duel qui oppose Jésus à Satan mais lorsqu’on prête attentivement l’oreille, on se rend compte qu’en réalité, les chanteurs critiquent l’apparition de nouvelles églises en Côte d’Ivoire et leur impact sur les loisirs, notamment les salles de cinéma. En effet, dans les années 1990, de nombreuses églises ouvrent en Côte d’Ivoire et s’installent dans les locaux des cinémas, obligeant ceux-ci à fermer petit à petit, les chanteurs s’interrogent alors : Loisirs et foi sont-ils incompatibles ?
Crises
Alors que le phénomène des églises est un coup de massue pour le 7ème Art ivoirien, les crises de 1990 et 2000 viennent l’achever. Comment peut-on peut produire des films dans un pays où la guerre sévit ? Heureusement, Akissi Delta, figure emblématique du cinéma ivoirien, produira l’illustre série Ma famille qui permettra au cinéma ivoirien de survivre, car ma famille sera un succès planétaire. S’en suivra également des séries telles que Nafi, Sah Sandra, ‘’Class’A’’ ou encore teenagers et des films comme Bronx Barbès, le film qui a fait le plus d’entrées au box-office ivoirien. Cependant, le lien entre le grand écran et les ivoiriens est définitivement rompu : les ivoiriens ne vont plus au cinéma, qui va au cinéma quand il y a la crise dans son pays ?

La renaissance
Après une longue période ou les productions cinématographiques ivoiriennes se faisaient rares, par manque de moyens, et suscitaient peu d’entrain chez les ivoiriens, les choses changent à petit. Une nouvelle vague de réalisateurs tels que Guy Kalou, Axel Ogou ou encore Philippe Lacôte bougent les lignes et nous font vivre un cinéma qui se rapproche de nos réalités ivoiriennes et africaines tout comme leurs prédécesseurs. En 2014, le long métrage ‘’Run’’ de Philippe Lacôte était nominé au festival de Cannes tandis qu’en 2018, la série Invisibles d’Axel Ogou était primé meilleure fiction étrangère festival de la Rochelle. Cette année, le long métrage la nuit des rois de Philippe Lacôte est nominé aux Oscars mais il faudra attendre encore 2021 pour savoir s’il figurera sur la liste définitive de la catégorie film étranger. Des initiatives comme le Bushman film festival* se mettent en place, des productions telles que MTV et Canal + collaborent avec des cinéastes ivoiriens. « ajouter à cela, la vague féminine à l’instar de Kadhy TOURÉ ‘’L’interprète 1 & 2, Akissi DELTA ‘’ Ma Famille & Ma Grande Famille’’ a aussi fait bouger les lignes.
Quant aux salles de cinéma, elles font leur retour progressivement dans les quartiers d’Abidjan et appartiennent aujourd’hui à des groupes français tels que Majestic et Pathé, qui prévoit son installation très prochainement.
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J’ai adoré lire cet article☺️ merci 🤌🏽